Des gestes simples, un ton d’une chaleureuse sobriété. Les premiers pas du pape François surprennent et redonnent espoir à ceux qui attendaient avec impatience le nouveau printemps de l’Église, après les scandales à répétition et une raideur doctrinale qui n’arrivait pas à masquer les inquiétudes pour l’avenir du christianisme.
En entendant les mots prononcés par le nouvel évêque de Rome à la loge centrale de Saint-Pierre et puis lors de l’inauguration du « ministère pétrinien », il était impossible de ne pas se laisser aller aux comparaisons.
Certains, comme l’historien Alberto Melloni, qui étaient jeunes ou enfants pendant le pontificat de Jean XXIII, ont pensé au titre d’un bel article de Hannah Arendt dans The New York Review of Books en 1965, lors de la publication en anglais du Journal de l’âme : « Un chrétien sur le trône de Pierre ». Car Jorge Mario Bergoglio c’est d’abord cela : un simple chrétien. Non que ses prédécesseurs ne l’aient pas été. Mais de Paul VI on voyait plutôt le fin lettré et l’intellectuel tourmenté, de Jean Paul II l’athlète de la foi, de Benoît XVI le théologien austère. « Un chrétien », c’est véritablement révolutionnaire. Et beau comme les premiers gestes du nouveau pape : la prière à Sainte Marie Majeure et puis une déviation sur le chemin du Vatican pour régler personnellement la note de la résidence où il avait logé avant d’entrer en conclave.
Cela a été déjà souligné : Bergoglio est le pape des premières fois, le premier jésuite à être élu successeur de Pierre, le premier à choisir le nom de François, le premier des Amériques. Les laïcs et les prêtres de Buenos Aires, son ancien diocèse, le décrivent comme un pasteur humble, proche des pauvres, aimant Borges, Dostoïevski et le tango (ce qui nous le rend déjà très sympathique). Dans une interview d’il y a un an à La Stampa il voyait dans la « mondanité spirituelle », selon l’expression du P. de Lubac, « le pire péché de l’Église », une sorte « d’anthropocentrisme religieux » qui débouche sur « le carriérisme, la recherche de l’avancement », en oubliant l’unique mission qui vaille, l’annonce de l’Évangile. Or, « il faut sortir, aller vers la périphérie », pour éviter « la maladie spirituelle d’une église auto-référentielle ». Et il ajoutait : « C’est vrai, quand on va dans la rue, il peut y avoir des accidents. Mais si l’Église reste fermée en elle-même, auto-référentielle, elle vieillit. Et entre une Église ‘‘accidentée’’ mais qui sort dans la rue, et une Église malade d’autoréférentialité, je n’ai pas de doutes : je préfère la première ».
Nous attendons les autres gestes du pape François. Mais déjà l’appel à la confiance, à la miséricorde et à la tendresse nous fait penser qu’il y a, selon l’intuition de Hannah Arendt au sujet de Jean XXIII, d’abord un chrétien sur le trône de Pierre. Si le mot « trône » n’est pas désormais inadapté.